Archive pour mars 2013

Patients : disparition du libre arbitre et de l’insight.

jeudi 28 mars 2013

La formidable avancée des sciences biomédicales depuis un siècle a eu comme principal effet négatif le recul de l’expertise clinique au chevet du malade. Cet inconvénient peut être amoindri lorsque le médecin a conservé la capacité d’une analyse critique des résultats de la biotechnologie. Le patient peut également compenser cet effet délétère en ayant un libre arbitre et un « insight » de niveau suffisant. L’insight est la capacité à connaître intimement la nature d’une chose. Pour un patient, l’insight est donc la capacité à évaluer la nature intime et le niveau de gravité de son mal.

Les médecins ne souhaitent plus développer une analyse critique, car ils surévaluent la judiciarisation de la médecine, et pensent – très souvent à tort – que leurs juges éventuels se référeraient plus à la biotechnologie qu’à leur expertise clinique.

Du côté des patients, toute l’organisation du marché sanitaire contribue à faire disparaître leur libre arbitre et leur insight. Toute la communication médicale publique et privée consiste à alerter l’opinion sur des « maladies » dont les patients ne perçoivent pas les symptômes (hypertension, troubles métaboliques, cancers infracliniques, etc.)

Ces maladies sans symptômes sont souvent vécues avec plus d’angoisse, car les patients, n’ayant aucun repère évolutif personnel, perdent la propriété de leur propre pathologie et n’ont plus les moyens de développer leur libre arbitre et leur insight. Cette vacuité clinique entraîne une plus grande soumission au pouvoir biomédical et, en retour, une plus grande normativité du soin.

Le principe du paiement à l’acte est l’un des principaux facteurs aggravants de cette dérive.

Il est encore difficile de dire combien et qui sont les gagnants et les perdants de cette spirale qui engloutit l’éthique, l’information et le soin individualisés.

Est-il possible de former de nouveaux cliniciens qui sauront, à la fois, offrir les progrès de la biomédecine à leur patients, et leur faire retrouver le libre arbitre et l’insight qu’ils ont perdus ?

Les facultés devraient y penser, car de plus en plus de signaux nous avertissent qu’il n’est plus possible de laisser se creuser ainsi l’écart entre la vérité clinique et le pouvoir biomédical.

Avortement des « embryonnes »

mercredi 20 mars 2013

L’Afghanistan détient le triste record de la plus faible espérance de vie pour les femmes, avec la particularité unique d’être inférieure à celle des hommes. Les rares hôpitaux accueillent peu les femmes qui risquent de souiller moralement les médecins examinateurs. Quant aux souillures bactériologiques, ce sont les sages-femmes qui essaient de les limiter, mais malgré leurs efforts, la mortalité en couches ne diminue pas.

L’accès des femmes au métier de médecin pourrait peut-être améliorer les choses, mais il nécessite une grande pugnacité de l’étudiante et un farouche soutien familial.

L’Inde, la Chine et quelques pays d’Asie détiennent le record de déséquilibre de sex-ratio. Le rapport garçons/filles à la naissance qui varie de 1,02 à 1,05 dans le monde, monte jusqu’à 1,3 dans ces pays et jusqu’à 2 garçons pour une fille à la deuxième naissance ! L’avortement sélectif des filles en est la principale cause, suivi de l’infanticide sélectif. Et pour rattraper leur carence abortive ou criminelle, certaines familles pratiquent une négligence sélective sur les filles, entraînant des morts différées plus difficiles à confirmer.

Cette raréfaction féminine s’aggrave donc progressivement jusqu’après la puberté. Elle conduit logiquement à une diminution de l’offre matrimoniale et à une augmentation de la demande – pour parler en termes marchands –.

Cette asymétrie devant l’hyménée contribue à augmenter le nombre de viols, de mariages forcés et le poids du machisme jaloux.

Pour inverser la tendance et alléger le fardeau culturel et religieux de ces pays, il faudrait des femmes encore plus combatives que les étudiantes en médecine afghanes.

Chez nous, en Occident, les femmes sont mieux loties, même si elles sont responsables du péché originel et n’ont acquis le droit de vote qu’au XX° siècle. Cependant, récemment encore, un certain Freud, toujours adulé, a écrit : « L’infériorité intellectuelle de tant de femmes est une réalité indiscutable qu’il faut attribuer à l’inhibition de leur pensée. »

En attendant l’internationale féministe ou l’internationale laïque, s’il pouvait être accordé aux « embryonnes » afghanes, indiennes ou chinoises de faire leur propre choix anténatal, certaines d’entre elles préféreraient peut-être l’avortement immédiat…

Saga hypertension

vendredi 15 mars 2013

Il y a un demi-siècle, l’hypertension artérielle commençait à 16 pour la systolique et à 10 pour la diastolique. On avait aussi coutume de considérer l’âge : la systolique était trop forte si elle dépassait 10 + le chiffre des dizaines (14 à 40 ans, 16 à 60 ans…). C’était alors la préhistoire de cette entité complexe qu’est l’hypertension.

Puis, un consensus international validé par l’OMS a décrété que l’hypertension artérielle commençait à 14/9, tous âges confondus. La vieillesse n’avait plus de particularité clinique.

Cette pathologie devint alors rapidement épidémique

Même si l’on mesurait rarement la tension dans le tiers-monde, une étude de 2005 publiée dans « The Lancet » estimait qu’il y aurait plus de 1,5 milliards d’hypertendus dans le monde en 2025. Soit presque la moitié de la population adulte. Pour obtenir ces chiffres, les auteurs avaient fait des extrapolations à partir des données de Grande Bretagne en les appliquant au tiers-monde. L’hypertension devint soudain plus redoutable que le paludisme.

On comprit cependant que ces chiffres étaient excessifs en raison du fameux phénomène de l’hypertension de la blouse blanche. Toute tension mesurée au cabinet médical dépasse de 1, 2, voire davantage, le chiffre mesuré par le patient chez lui. Certains ont même suggéré de ne plus mesurer la tension au cabinet médical pour éviter les excès diagnostiques.

Puis, la tendance s’est inversée en considérant que l’hypertension de la blouse blanche était le précurseur d’une hypertension réelle. Les chiffres de 2025 étaient donc en-dessous de la nouvelle réalité.

L’épidémie risque de s’aggraver, car de nouvelles publications abordent le concept d’une pré-hypertension qui débuterait à 12/8 et serait préoccupante chez les obèses, les sédentaires et d’autres sujets à risque. Cette pré-hypertension étant promise à un bel avenir, le business-plan pour 2025 doit désormais compter sur la quasi-totalité de la population adulte mondiale.

Cependant, des faits nouveaux laissent supposer que certains patients échapperont au traitement. Nous savons aujourd’hui qu’il est préférable de ne pas trop faire baisser la tension diastolique des patients ayant eu une coronaropathie, ainsi que celle des personnes âgées, car cela augmente le risque de démence et de quelques autres pathologies. La vieillesse retrouve un peu sa particularité clinique.

Nous savons aussi, que malgré l’existence de 16 classes pharmacologiques d’antihypertenseurs, les diurétiques, très anciens et très bon marché, sont largement suffisants pour baisser la tension. Ce qui est une bonne nouvelle pour les « vrais » hypertendus du tiers-monde.

Enfin, nous avons acquis la certitude qu’un peu d’exercice physique et de simples règles diététiques suffisent à corriger la grande majorité des hypertensions. Cela rejoint les recommandations d’Hippocrate qui n’utilisait pas encore le tensiomètre.