Archive pour novembre 2012

Pour toute la vie

samedi 24 novembre 2012

Mon petit-fils de trois ans venait d’écraser une fourmi. Constatant qu’elle ne bougeait plus, il tourne vers moi un regard inquiet. « Elle est morte » lui dis-je. Il me demande alors si elle est morte pour toute la vie. Réprimant un sourire inadéquat en pareille circonstance, je lui réponds qu’il a parfaitement raison, elle est bien morte pour toute la vie.

Le lendemain, je pensais encore à ce bon mot, en renouvelant les prescriptions de patients à qui l’on avait bien dit de prendre leurs hypocholestérolémiants, leurs hypoglycémiants ou leurs antihypertenseurs pour toute la vie.

Seuls deux ou trois traitements, comme l’insuline chez les vrais diabétiques de type 1, doivent être pris pour toute la vie. La formulation de « traitement à vie » est probablement perçue comme un succédané de l’éternité qui rassure certains patients. Prévenir la mort par d’illusoires incantations ou de naïves pharmacologies « à vie » est assimilable à un mode de vie. Malgré mes critiques, j’ignore toujours si ce comportement est anxiogène ou apaisant.

Depuis que ces patients, encouragés par les marchands, les médias et leurs ministères m’ont assigné à prescrire des « traitements à vie », l’espace de mon libre-arbitre est de plus en plus restreint ; je lui ouvre parfois l’humour pour qu’il s’y ébroue un peu.

J’avais donc envie de paraphraser mon petit-fils en leur affirmant que quand on est vivant, c’est bien pour toute la vie. Au risque d’être incompris.

Appelez vite le SAMU

jeudi 8 novembre 2012

Depuis peu, France Inter diffuse un message sur l’accident vasculaire cérébral (AVC), au prétexte que cette pathologie est devenue l’une des premières causes de mortalité en Occident.

Nous savions depuis plus d’un siècle que l’hypertension en était le principal facteur de risque. C’est pourquoi, les médecins disciplinés, alertés par de précédents messages, ont  prescrit chaque jour des tonnes d’anti-hypertenseurs.

Malgré cette précaution, la persistance des AVC nous obligea à réfléchir plus intensément.

La première idée fut de considérer que les chiffres de l’hypertension étaient faux. Les diagnostics étaient trop timides. Il fallait traiter des chiffres de pression artérielle beaucoup plus bas, car nul ne doutait qu’il existât une pression en dessous de laquelle il n’y aurait plus jamais d’AVC…

Comment la pharmacologie avait-elle pu négliger une telle évidence ?

Les médecins ont donc redoublé leurs efforts jusqu’à traiter la moitié de la population adulte (14 millions de personnes traitées aujourd’hui en France). L’effort de prévention a été planétaire puisque le marché mondial des antihypertenseurs approche les trente milliards de dollars.

Pourtant, malgré ces tonnes et ces milliards, l’AVC continue de caracoler en tête de la mortalité. Qu’avons-nous encore négligé pour que cet échec nous contraigne à alerter l’humanité sur les risques majeurs qu’elle court, au point de reléguer les infections tropicales à de la littérature ?

La pharmacologie vient enfin de trouver les trois raisons principales de cet échec. Elles viennent de nous être révélées par la Fédération Française de Cardiologie dans le cahier N° 21081 du très sérieux journal « Le Monde » daté du 30/10/2012.

1/ Les AVC surviennent de plus en plus jeune, c’est donc qu’il ne suffisait pas de traiter de plus en plus bas, il fallait traiter de plus en plus tôt.

2/ Les patients ne prennent pas assez de médicaments, car leurs médecins n’associent pas assez de classes thérapeutiques. Parfois des patients inconscients oublient de prendre leurs médicaments, ou les arrêtent parce que le traitement est trop cher ou mal toléré.

3/ Enfin, et surtout, les médecins sont trop inertes face à ce problème. Rien qu’en France, il y a encore quatre millions d’hypertendus sans traitement. En toute liberté ! Je vous laisse imaginer combien il y en a en Chine et au Nigeria. Certains médecins vont même jusqu’à penser que si le tonnage des anti-hypertenseurs n’a pas d’effets notoires sur les AVC, c’est peut-être que cette pathologie a des causes plus précises, telles que l’arythmie, ou plus générales, telles que les modes de vie. Ces médecins-là sont aussi en liberté.

Maintenant, je comprends mieux l’étonnante teneur du message de France Inter : « Dès que vous êtes témoins d’une bouche tordue, d’une difficulté à parler ou à marcher, chez l’un de vos concitoyens, appelez vite le SAMU. » Il faut désormais éviter les médecins qui risquent de négliger votre AVC comme ils ont négligé l’hypertension préalable qui l’a provoqué. Le SAMU débouchera vos artères en urgence, ainsi la mort qui n’avait pas été anticipée par votre médecin négligeant, pourra être évitée.

Malgré la honte qui m’accable, je suis ravi de savoir que le problème des AVC va pouvoir enfin être réglé. Ce message fait suite à ceux d’octobre rose sur le cancer du sein. Les dépistages généralisés de plus en plus précoces vont donc éradiquer tous les cancers et toutes les maladies cardio-vasculaires.

La mort n’aura désormais qu’une seule cause : la vieillesse. Les symptômes d’alerte médiatique pourront alors être encore plus simples : « si vous constatez que quelqu’un est vieux… »

D’ici là, n’égarez pas le numéro du SAMU…