Archive pour septembre 2012

Vive mon ADN poubelle.

mercredi 19 septembre 2012

Tout individu vivant s’inscrit dans une double hiérarchie.

Une première hiérarchie, d’ordre généalogique, confère une place précise, dans les rameaux de l’évolution, à l’espèce à laquelle appartient cet individu. C’est sa position dans l’histoire de la vie, cette place phylogénétique est inscrite exclusivement dans ses gènes.

La deuxième hiérarchie est celle de son environnement naturel, dans lequel il établit les conditions de sa survie et de sa reproduction par un jeu complexe de symbioses et de conflits. C’est sa place écologique. Les gènes participent aussi à cette inscription hiérarchique, mais ce sont plus certainement les protéines les métabolismes et les synapses qui sont les acteurs de ces histoires individuelles quotidiennes.

Après quelques décennies de règne absolu de la génétique sur la biomédecine, nous découvrons avec stupéfaction que seulement 2% du génome sert à coder les protéines constitutives d’un individu et de sa physiologie spécifique. Comme nous ne savions pas à quoi servaient les 98% restants, nous l’avons nommé « l’ADN poubelle ». Un peu comme nous avions traitées de « fonctionnelles » toutes les pathologies qui n’étaient pas « anatomiques ».

Nous commençons à comprendre que cet ADN poubelle contribue très certainement à réécrire notre histoire chaque jour. Il reprogramme l’expression du génome, le codage des protéines, les métabolismes et fait des tas d’autres choses dont nous n’avons pas encore les clés d’exploration.

Les 2% d’ADN « officiel » ont servi de base aux recherches qui ont conduit la biomédecine au « génie génétique » qui fait notre admiration.

Les 98% d’ADN restants vont-ils conduire jusqu’au génie écologique ou symbiotique qui permettra à la science de découvrir enfin l’individu dans ses relations à l’environnement ? Espérons-le.

Quel bonheur de constater qu’il nous reste encore 98% de nous-mêmes à découvrir. Je ne peux m’empêcher de penser à la joie des astrophysiciens en découvrant, avec la matière noire, que 90% de la masse de l’univers leur était inconnue. Que de beaux programmes scientifiques en perspective !

Grande est ma joie d’individu d’avoir enfin la preuve que mon génie symbiotique est supérieur à mon génie génétique, car si l’histoire de l’évolution me fascine en tant que biologiste, je ne me désintéresse pas totalement de mon histoire personnelle.

Le médecin que je suis peut désormais sourire librement des marchands de gènes qui continuent à chercher ceux de l’obésité, de la schizophrénie, de l’Alzheimer, voire de l’allergie ou de l’homosexualité !

En tant que clinicien, je supputais que le génie symbiotique de mes patients n’avait jamais été considéré avec l’égard qui lui était dû. Aujourd’hui, ces suppositions se transforment en certitude et la « matière noire » de la clinique nous offre les plus belles promesses de progrès…

Soyons donc aussi enthousiastes que les astrophysiciens.

Quelles générations futures ?

mercredi 5 septembre 2012

Le problème des « générations futures » accompagne les débats médiatiques autour des deux thèmes actuels que sont la dette et l’écologie.

Deux questions culpabilisantes reviennent comme un leitmotiv. Pouvons-nous laisser s’accumuler une telle dette sur le dos de nos enfants ? Que diront les générations futures en constatant l’état du monde que nous leur avons laissé ?

Les études démographiques réalisées depuis ½ siècle sont unanimes : le niveau de fécondité d’une société est strictement corrélé à son niveau de pauvreté et donc inversement corrélé à sa richesse.

Des analyses plus précises révèlent que la fécondité d’une société baisse lorsque son économie s’éloigne du secteur primaire, pour atteindre un minimum dans les sociétés financières où l’économie est devenue virtuelle. Pour le niveau de la dette, on observe un rapport inverse. Les sociétés agricoles sont les plus fécondes et les économies tertiaires et virtuelles sont les moins endettées.

Quant au facteur écologique, les preuves s’accumulent pour pointer les pesticides et perturbateurs endocriniens comme responsables de l’infertilité et de la baisse de la spermatogenèse. La contribution de ces nouveaux agents polluants à la baisse de la fécondité est certes plus faible que l’enrichissement des sociétés, mais elle y contribue certainement.

Si la financiarisation et la pollution se révèlent bien être les deux principaux facteurs de la baisse de la natalité dans le monde, le leitmotiv des générations futures devient soudain moins pertinent lorsque c’est le monde Occidental qui pose cette question… En effet, y aura-t-il des générations futures en Occident pour constater la dette et la pollution ?

Quant aux peuples qui ne sont pas concernés par ces deux sujets, ils pourraient s’étonner de nous voir soudain préoccupés par le sort des enfants qu’ils continuent à nous faire, alors que leur sort actuel ne fait pas l’objet d’une telle attention.

De toute évidence, les générations futures ne sont pas notre problème, mais le leur. Ils sont donc en droit de dire à nos débatteurs financiers et écologistes :

–                     mais de quoi je me mêle ?